Page initiale Page précédente Vers tous Page suivante Page finale


QUESTIONS/RÉPONSES DE PATRICK RÉBULARD



Peut-on faire sauter un cheval d'attelage ?

Il faut habituer un cheval à plusieurs disciplines, il gagne en équilibre mental et développe une plus grande variété de muscles. Néanmoins il vaut mieux éviter de les faire sauter quand ils sont attelés ! .. par exemple sur des flaques d'eau et de petits accidents de terrains. Pour éviter l'association de réflexes conditionnés, je préfère les faire sauter en liberté et dans un manège pour éviter d'associer l'extérieur et le saut. Le travail sur Cavaletti est excellent pour l'équilibre et l'agilité du cheval en terrain varié. Le jumping de compétition n’apporte rien de plus au cheval d'attelage.

Faut-il monter les chevaux qui attellent, est-ce indispensable ?

Le travail en selle est effectivement obligatoire deux ou trois fois par semaine. Ce contact et cette approche restent très enrichissants pour le cheval et le meneur. Les chevaux de compétition d’attelage de haut niveau sont montés en dressage de haute école par de très bons cavaliers chaque jour. On peut commencer l'attelage à tout âge même si on ne monte pas soi même à cheval. Les techniques de menage et l'abord du cheval sont tellement différents qu’il n'est pas obligatoire de savoir monter. Par contre si dans votre voisinage quelqu’un monte bien, vous pouvez lui demander de monter en dressage votre cheval pour son plus grand plaisir et sans doute le votre. On peut également compléter le dressage par les rênes longues. Cet exercice est excellent et peut être pratiqué par tout le monde. Il ne faut jamais oublier, même sur un cheval apparemment routiné et qui va bien.

Quel rythme de travail pratiquez vous sur l'année et surtout l'hiver, faut-il arrêter totalement son cheval ?

D'octobre à mars mes chevaux travaillent peu, ils font des promenades montées et peu d’attelage, néanmoins, ils ne sont jamais totalement arrêtés. En mars avril, ils sont montés trois fois par semaine sans atteler puis montés et attelés chaque jour pour la préparation à un concours. Mes chevaux sont en forme dès le mois mai, mais ils sont au top pour l'épreuve maxi de l'année avec deux à deux heures trente de travail par jour...

Les chevaux ne peuvent pas être au maximum tout le temps, il faut gérer le mental des chevaux, ne pas les écœurer.

J'ai un cheval attelé en paire qui ne tire pas et fait facilement des bêtises, que faire ?

Ne pas chercher à résoudre le problème en paire, car il faut détecter ce qui ne va pas au niveau du cheval lui-même. Il faut donc atteler seul et chercher ce qui ne va pas. L'art du menage trouve toute sa finesse dans cette démarche. C'est pour moi la discipline équestre la plus difficile. Nous ne sommes pas en contact physique avec le cheval pour corriger par l'assiette son comportement.

En attelage on est loin du cheval; les aides sont très limitées, il faut donc comprendre son cheval, analyser son comportement et donner des réponses appropriées en sachant qu'il est de toute façon beaucoup plus fort que nous et reste craintif par nature. Une fois la solution trouvée on peut remettre à deux, mais ne jamais attendre qu'un cheval se corrige grâce a son coéquipier plus sage.

J'ai un cheval qui va bien mais j'ai des problèmes en maniabilité, que faire ?

La maniabilité n'est pas une épreuve pour les chevaux mais pour les meneurs. Elle a pour but de tester la résistance nerveuse du meneur, s'il est tendu ou stressé, les chevaux vont le sentir et l'épreuve sera catastrophique.

J'ai un jeune cheval cob de 3 ans qui est à mettre en route, quel rythme de travail lui donner ?

Cela dépend du temps que vous avez à consacrer. Si votre temps n'est pas trop limité il est bon de monter le cheval 2 à 3 fois par semaine mais jamais plus d'une heure. Un jeune cheval est en pleine croissance, un travail routier trop intensif l'exposerait à l'ostéite dans l'avenir.

Quels sont les races les mieux prédisposées à l'attelage ?

Les haras nationaux et l'élevage Français n'ont pas sélectionné de race ayant l'attelage pour aptitude. Sur le marché mondial on trouve des chevaux sélectionnés sur ce critère.

Les races très variées des poneys permettent souvent à des enfants de commencer l'attelage. Ils sont rustiques et économiques.

Le cheval Frison est très apprécié pour sa robe foncée et son caractère. Le selle Français, bien que très hétérogène, peut fournir de bons chevaux d'attelage s'il a du cob &m son ascendance mais éviter les ascendants pur sang, trop souvent infusé par les haras, mais ils sont en train de modifier leur sélection.

En compétition, 80 % des chevaux sont étrangers alors que nous avions le meilleur élevage d'Europe en Normandie au début du siècle. Les Haras ont sélectionné pour la viande les races lourdes dans un débouché économique qui existait et existe encore. Il est normal de fournir à cette filière des Animaux qu’il fallait alourdir au maximum au détriment du travail. (Le record de vitesse au trot en 1870 était détenu par un percheron... ). Les haras voient un débouché possible dans l'attelage des races dites lourdes, ils sont en train dans ce but d'alléger les modèles de 900 à 700 kg.

Le trotteur de réforme peut faire un bon cheval d'attelage mais il y a un gros déchet et éviter les chevaux qui ont fait des courses. L'attelage en paire de trotteurs est plus difficile, son relever n'est pas bon, en course on lui demande d'avoir le dos convexe pour lever au maximum les antérieurs, alors qu'on demande le contraire en attelage. Il faut d'abord bien les monter, une astuce consiste à " éviter les chevaux qui ressemblent à des trotteurs " !... Quelle que soit l'origine du cheval, je pense que si 91

on sait les prendre, on peut les mener où on veut. Dans un concours, une fameuse butte que personne pensait faisable dans un concours, je l'ai franchi par ce que je l'avais dans la tête, j'ai transmis à mes chevaux la volonté de le faire, je l'ai traversée avec eux, je n'ai pas attendu qu'i1s 1e fassent. Il n'y a pas que la préparation physique qui compte, la préparation psychologique est essentielle. Tout doit être négocié avec son cheval. Je vis avec mes chevaux. Je suis avec eux dans toutes leurs actions. Je sens ce que mes chevaux peuvent faire à un moment donné et pas à un autre. Nous vivons tous les événements ensemble. Si on leur donne beaucoup, ils le rendront. Il faut se sentir bien avec eux, être en confiance, les soigner soi-même, leur parler, les caresser, connaître leur humeur du jour.

Quand l'équipe meneur-chevaux ne fait qu’un on peut tout faire.

Comment habituer un cheval à rester à l'arrêt ?

C'est une discipline importante du cheval d'attelage. Si l'homme doit respecter le cheval, lui même doit aussi respecter l'homme. Un cheval au licol ne doit pas, par exemple, marcher sur nos pieds, avancer trop vite, il faut le corriger. Il ne doit pas bouger au garnissage, ou partir sans avoir reçu l'ordre. Il ne doit pas faire ce qu'il a envie, sans contrainte. Il faut bien observer sa démarche, le laisser aller dans l'erreur et corriger juste au moment du début de l'erreur pour inculquer un réflexe conditionné. Il faut corriger au bon moment, il ne sert à rien de rosser brutalement un cheval à contre temps, les résultats seraient catastrophiques. Le nez d'un cheval représente la partie la plus sensible du corps, si le cheval bouge, un coéquipier corrige avec un petit fouet sur le nez, à la seconde près accompagnant la voix du meneur. Le cheval doit comprendre que le meneur peut l'atteindre, ainsi, lorsque le coéquipier ne sera plus là. La simple voix du meneur crée un réflexe conditionné installé: appel meneur = rester sage, sinon : correction. L'important est de taper à la seconde près. On peut également changer d'endroit pour atteler: il peut s'installer une angoisse dans un lieu particulier. Habituer son cheval à s'arrêter au feu, au stop : souvent il bouge par peur de redémarrer. Ces petites actions entretenues chaque jour apportent tout le plaisir d’un attelage qui va bien en toutes circonstances.

Parfois un cheval parfait à l'attelage lors des entraînements se relâche dans l'épreuve de dressage d'un concours, car il sait bien que dans cette ambiance, il est hors d'atteinte d'une correction de la part de son meneur, celui-ci ayant peur de l'élimination.

Quel comportement vis-à-vis du cheval faut-il adopter ?

Dans ce cas je donne une bonne correction; bien sur, le concours est perdu mais il faut le faire. Les petits concours d'entraînement sont faits pour cela. Il n'y a pas à mon avis d'autre solution.

Quel mors faut-il utiliser en attelage ?

Lors de visites de châteaux et de leur sellerie où est exposé du matériel dans son état d'origine, j'ai toujours été étonné par l'incroyable collection de mors de toutes formes. Il est impossible de conseiller un mors particulier, chaque cheval va bien avec un type de mors et mal avec un autre. Je dirai même que selon sa forme son humeur, il sera différent selon le mors qu’il porte. Ici l'expérience doit être mise en avant. Il faut essayer, changer, observer, sentir son cheval attelé à un, régler la gourmette, ne pas oublier qu'une gourmette moins tendue sera plus efficace que la gourmette plus courte !. L'effet bras-de-levier sera plus contraignant avec une gourmette détendue lors qu'on tire sur les guides. Il faut toujours observer, se mettre soi-même en faute, toujours se mettre en cause, l'humilité est une qualité principale d'un bon meneur. Au début, il est préférable d’utiliser des mors pas trop violents, en caoutchouc, ou Liverpool garni de cuir qui augmente le diamètre du mors. On peut même mettre de la mousse sous le cuir, un cheval bien embouché doit baver un peu par une légère mastication, s'il est bloqué, il ne bave pas. Le Liverpool, garni, articulé, reste le mors de base de l'attelage, mais attention aux mors usés. Lors d'un concours, j'avais des problèmes sans comprendre pourquoi. Un ami meneur me signale que mes Liverpool étaient usés et les branches avaient agrandi les trous, pinçant le bord des lèvres. Mes chevaux, devant l'appréhension d’être pincés, ne se livraient pas comme d'habitude. Je me suis précipité chez le premier commerçant de l'exposition du concours et mes chevaux ont immédiatement changé. Si un cheval a la bouche dure, ce n'est pas en lui mettant un mors plus dur qu'on trouvera une solution. Donc, faites des essais, observez, cherchez, accumulez votre propre expérience.

Il est parfois difficile d'obtenir une bonne incurvation de l'encolure; que faire si un cheval est raide d'un côté ?

Je vous conseille de monter sur le plat pour bien incurver. Ensuite il faut faire attention tous le jours quand on attelle, même le dimanche en famille, ne pas laisser s'affirmer un défaut et se dire : le Jour du concours, on sera différent. Chaque cas est différent, je répète qu'il faut travailler un à un ces problèmes. Les chevaux sont comme on les fait! Si le cheval est raide il peut avoir mal aux vertèbres, ou un mors mal adapté. De toute façon observez toujours. Il peut arriver qu'on ait la main trop dure ou ne pas relâcher assez à l'opposé du virage, au trot les guides doivent un peu osciller, on ne mène pas des trotteurs en course...

Des chevaux vont parfois très bien en entraînement chez soi et posent des problèmes en sortie, quelle est la raison ?

Lors des concours, l'environnement visuel et auditif est très différent et peut désorganiser un attelage, il faut donc sortir le plus souvent possible pour habituer les chevaux à ces changements, en particulier le transport. Une erreur semble également souvent commise. On s'entraîne à la maison avec le harnais ordinaire, pas trop souvent nettoyé... avec lequel le cheval s'est fait. Le jour du concours on sort la belle bride bien propre de la sellerie et rien ne va plus. Le cheval se sentira mal dedans, le réglage du mors aura changé, le cuir plus raide va le gêner. Il faut absolument s'entraîner avec le harnais qui sera utilisé pour la compétition, surtout la bricole. Ne jamais mettre un collier à un cheval habitué à une bricole. Le toucher des guides est différent selon les gants utilises, et cela suffit à tout compromettre dans un concours. Le poids et l'équilibre du fouet, si on en change, apporteront un ménage différent, la relation meneur-cheval ne sera plus identique et rien n’ira plus. Un cheval a déjà beaucoup de choses à assumer dans un concours, y compris la pression du meneur, donc changez un minimum de choses pour un concours.

Vaut-il mieux utiliser des mâles Hongres ou des juments en attelage ?

Le Hongre est plus sage, plus régulier dans son caractère, la jument est plus compliquée, plus capricieuse. Si elle est en chaleur le jour d’un concours, tout sera différent. Une jument peut être plus généreuse, plus attentive et plus brillante. Je ne veux pas dire que les femelles sont à proscrire, j'ai eu de très bonnes juments d'attelage et je ne les évite pas à priori, néanmoins un débutant aura moins de problème avec un Hongre.



Merci à Patrick Rébulard
Propos rapportés par Jim Horlaville
A.A.S.M. COURRIER ATTELAGE 76   N°

Page initiale Page précédente Vers tous Page suivante Page finale
Créé le mars 2001